Des prisonnières, parmi lesquelles la lauréate du prix Nobel Narges Mohammadi, auraient été battues pour avoir protesté contre une exécution récente.
Quatre-vingt sept personnes exécutées en juillet 2024, vingt-neuf en une seule journée d'août, environ soixante-dix femmes emprisonnées dans la tristement célèbre prison d'Evin… En Iran, les craintes concernant le sort des militant·es des droits des femmes s'accroissent depuis l'élection, début juillet, du nouveau président iranien Masoud Pezeshkian, comme le souligne le quotidien britannique The Guardian.
Parmi les exécuté·es figure Reza Rasaei, un jeune homme condamné à mort pour avoir participé aux manifestations «Femme, vie, liberté» –un slogan politique kurde repris dans l'ensemble de l'Iran au cours des manifestations de 2022 qui ont suivi la mort de Mahsa Amini. À l'approche du deuxième anniversaire du décès de cette jeune Iranienne alors âgée de 22 ans –elle avait été arrêtée pour avoir prétendument violé le code vestimentaire strict du pays–, les organisations de défense des droits humains craignent une hausse des exécutions.
Parmi les soixante-dix détenues à Evin, au nord de la capitale Téhéran, deux ont été condamnées à mort: la journaliste kurde iranienne Pakhshan Azizi et l'ingénieure industrielle Sharifeh Mohammadi. Deux autres militantes, Varisheh Moradi et Nasim Gholami Simiyari, ont été inculpées des mêmes chefs d'accusation, mais ne connaissent pas encore leur sort.
D'après le Center for Human Rights in Iran («Centre pour les droits humains en Iran» en français, CHRI), de nombreuses prisonnières politiques risquent d'être exécutées sur la base de «fausses accusations»: «Face à un mouvement de femmes en Iran qui refuse de reculer, les autorités de la République islamique tentent maintenant de menacer ces femmes de la potence, dans une tentative désespérée de faire taire la dissidence», déplore Hadi Ghaemi, directeur exécutif du CHRI.
«Répandre la peur»
La famille de Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix et célèbre militante, affirme qu'elle fait partie des femmes de la prison d'Evin à avoir été battues par des gardiens pour avoir manifesté dans la cour de la prison contre l'exécution de Reza Rasaei.
Pakhshan Azizi et Sharifeh Mohammadi ont été condamnées à mort en juillet pour «rébellion armée contre l'État». Pakhshan Azizi, âgée de 40 ans, aurait été soumise à des actes de torture pendant les interrogatoires. Dans une lettre écrite depuis la prison d'Evin, intitulée Denying the Truth and Its Alternative («Nier la vérité et son alternative») et publiée par l'ONG Hengaw Organization for Human Rights («organisation Hengaw pour les droits humains»), la militante affirme avoir été torturée, soumise à des simulacres d'exécution et placée à l'isolement.
Zeinab Bayazidi, ancienne prisonnière politique et amie de Pakhshan Azizi, soutient que les peines de mort prononcées à l'encontre des femmes et des minorités ethniques visent à démanteler la lutte unifiée contre le régime. «La République islamique se venge de la révolution “Femme, vie, liberté” qui a traversé toutes les frontières», assure-t-elle. Sharifeh Mohammadi, 45 ans, a quant à elle été arrêtée à son domicile de Rasht (nord-ouest de l'Iran) en décembre 2023, d'après des militants des droits humains.
Soma Rostami, de l'organisation Hengaw, s'indigne ainsi: «Il est clair que le seul but des exécutions de la République islamique d'Iran est de répandre la peur parmi la population. Les militants féministes ont fait l'objet de fortes pressions et toutes sortes de répressions ont été mises en œuvre pour empêcher que des manifestations dirigées par des femmes ne se reproduisent.»
Une mission d'enquête des Nations unies sur l'Iran d'août 2024 a indiqué ce mois-ci que les minorités iraniennes avaient été touchées de manière disproportionnée par une «augmentation frappante des exécutions depuis les manifestations de septembre 2022», plusieurs condamnations à mort ayant été prononcées tout récemment à l'encontre de femmes issues de minorités ethniques.
source: slate
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