Le corps mutilé du journaliste camerounais Martinez Zogo a été retrouvé dimanche, cinq jours après son enlèvement à Yaoundé. Dans toute l'Afrique, la presse constate les risques de plus en plus importants qu'il y a à exercer le métier de journaliste.
Il y a une atmosphère de "far west" qui règne au Cameroun, selon la fédération des éditeurs de presse du pays citée par Le Jour, une atmosphère dont sont responsables le gouvernement camerounais, le parlement et la justice, et qui a conduit à ce dernier drame dimanche 22 janvier : la découverte du corps d'Arsène Salomon Mbani Zogo, plus connu sous le nom de Martinez Zogo. Le journaliste avait disparu le 17 janvier dernier, enlevé en pleine rue, devant une gendarmerie de la capitale. Son corps a été retrouvé ce dimanche, mutilé, nu, en état de décomposition. D'après les différents récits dans la presse, c'est l'odeur qui a permis sa découverte sur un terrain d'Ebogo, à 15 kilomètres au nord de Yaoundé.
Immédiatement, la nouvelle de sa mort a inondé le pays d'émotion et de colère. Des fans se sont recueillis devant sa photo installée devant les locaux d'Amplitude FM, la radio privée sur laquelle il officiait du lundi au vendredi, avec son émission Embouteillage dont il était l'animateur star.
Voici l'un des extraits d'une de ses dernières émissions qui font le tour des réseaux sociaux. Il travaillait notamment sur des enquêtes de corruption, d'affairisme, de détournements de fonds présumés, par des personnalités proches du pouvoir, du président Paul Biya à la tête du pays depuis plus de 40 ans. "Quand l'émission commençait, Yaoundé s'arrêtait", résume un journaliste camerounais interrogé hier 23 janvier par nos confrères de TV5 Monde.
Il était la voix des sans voix, comme on pouvait l'entendre sur des bandes annonces de son émission diffusées sur les ondes. Un journaliste "téméraire, engagé et incisif", écrit Cameroun Actuel, "une voix dérangeante pour certains, mais indispensable pour la moralisation de la société", pour Wakat Sera ou encore un "soldat de la plume et du micro", en une du Messager ce mardi 24 janvier au matin.
Qui est responsable de sa mort ? On l'ignore pour l'instant. Hier, la plupart des journaux du pays l'ont mis en une, avec des titres sans appel : "Ils l’ont assassiné", "Ils l’ont tué…", "Tué par des lâches", sans pour autant mettre un nom sur ces "ils" et ces "lâches". La question anime tous les débats, parmi d'autres interrogations, notamment : comment a-t-il pu être enlevé devant une gendarmerie sans que personne ne bouge le petit doigt ? Cameroun Actuel, comme d'autres, pointent du doigt des "lobbies" proches du pouvoir, "sans doute importunés par les indiscrétions dont il a fait état ces dernières semaines".
Pour la fédération des éditeurs de presse au Cameroun, peut-on lire sur Le Jour, le gouvernement, la justice et le parlement sont en tout cas responsables d'avoir créé les conditions pour que de tels assassinats de journalistes puissent avoir lieu. Reçue par le ministre de la Communication hier, une délégation de journalistes a fait part de sa colère et demande justice. Le gouvernement a promis des enquêtes pour faire toute la lumière sur le drame, sans vraiment convaincre.
"Ce crime ignoble, commis sur la personne de Martinez Zogo, pourrait encore demeurer impuni, comme le sont les assassinats de nombreux journalistes à travers le monde", estime le média burkinabé Wakat Sera, qui rappelle que son nom vient s'ajouter à la liste des opposants et des journalistes du pays et de tout le continent africain morts ou emprisonnés à cause de leur travail. Demander justice pour Zogo est indispensable, mais partout, poursuit le journal, la "protection des journalistes devient une urgence et une priorité". Rwanda, Burkina Faso, Mali, et même Sénégal... "Le Cameroun est loin d’être le seul pays où la chasse est ouverte contre les journalistes".