(Investir au Cameroun) - Après la signature par le Cameroun du décret n°2016/367 du 3 août 2016 fixant les règles d’origine applicables aux marchandises de l’Union européenne (UE), dans le cadre de l’Accord de partenariat économique (APE), les deux parties ont repris langue, selon des sources autorisées au ministère en charge de l’Economie.
Plusieurs rencontres par vidéoconférences ont été organisées au cours de l’année 2018 entre les experts des deux parties, en vue de finaliser ce dossier. Ces rencontres ont permis d’aplanir certaines divergences et d’évoluer vers un texte consensuel.
Cependant, indiquent nos sources, au cours des négociations, la partie européenne a introduit des questions nouvelles qui ne figurent pas dans les protocoles similaires avec les pays ACP (Afrique Caraïbes et Pacifique) et qui présentent, pour les Camerounais, des risques importants sur le détournement des préférences tarifaires et, par voie de conséquence, sur les recettes douanières. Au rang de ces questions figure l’administration de la preuve d’origine. De quoi s’agit-il ?
Pour comprendre ce point de l’APE avec l’Union européenne, il convient d’indiquer que le bénéfice de la préférence tarifaire est subordonné à la présentation d’une preuve que la marchandise est originaire des parties. Cette preuve permet d’éviter le détournement des préférences et d’assurer que seuls les produits éligibles à la préférence tarifaire sont ceux-là qui en bénéficient.
Dans le système en vigueur, la preuve d’origine est apportée au moyen soit d’un certificat de circulation des marchandises «EUR1» délivré par les autorités compétentes, notamment douanières, soit au moyen d’une déclaration d’origine signée par les opérateurs agréés ou pour les exportateurs de petits envois ne dépassant pas 6 000 euros (près de 4 millions FCFA) en valeur.
Point d’achoppement
Dans le cadre des négociations actuelles, l’Union européenne propose au Cameroun de remplacer la preuve d’origine en vigueur par un système d’auto-certification par l’ensemble des opérateurs économiques enregistrés dans le système REX.
Ce système REX a été mis en place par l’Union européenne pour administrer la preuve de l’origine, dans le cadre de son système de préférences généralisées devant être appliqué par des opérateurs exportant vers l’UE, afin de bénéficier des préférences unilatérales qui en découlent.
Pour l’UE, ce système vise à simplifier la procédure de délivrance de la preuve d’origine en permettant à tout exportateur enregistré (quelle que soit sa taille), d’établir lui-même sa preuve d’origine. L’exportateur est dans ce cas de figure le seul responsable en cas de litige.
Seulement, le Cameroun pense que le système REX est susceptible de poser quelques problèmes. Car, expliquent nos sources, le premier contrôle au moment de l’établissement des certificats d’origine par les autorités habilitées dans le pays d’exportation est annulé. « Dans ce contexte, des mesures idoines devraient être prises pour renforcer les capacités de contrôle des documents de l’administration douanière, afin de détecter toutes les dérives liées à cette activité », suggère la partie camerounaise.
Objections sur le système européen REX
Les négociateurs camerounais ajoutent que l’absence de contrôle sur les documents européens peut engendrer plus de fraudes douanières. « Même si la pratique en la matière requiert que l’essentiel des contrôles se fasse à postériori en cas de doute, l’élimination à priori des contrôles avant embarcation de la marchandise peut être génératrice des fraudes sur l’origine et donc avoir une influence sur les recettes douanières des pays partenaires de l’UE, dans le cadre de ces APE. Le risque d’un accroissement des contentieux sur l’origine n’est pas à exclure dans ce contexte », soutient le Cameroun.
Le pays ajoute : « Par ailleurs, compte tenu du fait que pour être enregistré dans le système et être éligible au bénéfice des préférences tarifaires de l’APE, il faut être ressortissant européen ou être une entreprise de droit européen, ce système [REX, NDLR] accorde un traitement plus favorable aux Européens».
Forte de ce qui précède, la direction générale des Douanes du Cameroun a émis un avis négatif sur cette proposition de l’UE, tant que les contours de cette nouvelle législation que l’UE voudrait exporter chez ses partenaires ne sont pas maîtrisés. Toujours, selon la douane camerounaise, ce système REX entraînera une réforme interne qui nécessite des ressources encore à rechercher.
Amendements de l’Union européenne
Un autre point d’achoppement entre les parties est celui du cumul avec les produits d’Afrique centrale. Cette disposition a été introduite dans l’APE par la partie camerounaise, dans le souci de préserver le processus d’acquisition du caractère originaire des produits fabriqués au Cameroun et incorporant des matières premières provenant des pays de la Cemac (Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad), avec lesquels le Cameroun est membre d’une union douanière.
Il s’agissait de préserver les bénéfices générés par l’appartenance à l’union douanière d’autant plus que les autres pays de la Cemac ne sont pas partie à date à un APE.
Pour l’Union européenne, il s’agirait d’un moyen détourné pour le Cameroun d’accorder des préférences à des pays non signataires des APE. Les parties doivent poursuivre les discussions.
A travers l’APE avec l’UE, le Cameroun s’est engagé à libéraliser progressivement 80% de ses importations sur une période de 15 ans. Cet accord ratifié en juillet 2014 est opérationnel depuis le 4 août 2016. Depuis cette période, les 1760 produits européens concernés par la chute des barrières douanières peuvent accéder au Cameroun en mode préférence, en bénéficiant d’un abattement douanier de 25%, chaque année.
Sylvain Andzongo